28 et 29 octobre - 2 jours à Tbilisi
Mon hote warmshowers Roman peut m’accueillir pour 2 nuits dans le nord de Tbilisi.
Bien que nous ayons beaucoup en commun, notre interaction est parfois malaisée. La sociabilité russe est déconcertante: j’ai l’impression qu’il y a naturellement une certaine froideur chez Roman, et je dois donc faire la conversation toute seule, en lui arrachant les vers du nez.
Mais il est au final très accueillant et serviable: il m’offre sa chambre pendant qu’il dort sur le canapé. Et sa langue se délie sur certains sujets: il me montre son premier prototype de vidéo d’animation qui résume un article de recherche pour son projet de start-up, et me demande mon feedback.
Quand je lui dis que j’ai besoin de faire de la maintenance sur mon vélo, il me donne des conseils de magasin. Et il finit par aller avec moi dans certains d’entre eux, qu’il a envie de découvrir: le vendredi, je me lance donc dans une tournée de Tbilisi bien singulière, celle des magasins de vélo.
Puis, en fin d’après-midi, je rejoins Adèle et les deux allemands Pia et Baldur avait qui j’avais pédalé pendant une journée aux abords de Batumi, eux aussi de passage à Tbilisi.
On se raconte nos aventures respectives en vélo, et on se fait un festin de nourriture et boissons géorgiennes au restau, alors qu’on sait qu’on s’apprête tous à quitter le pays: bière, vin, plein de sortes de khinkali, kachapuri, et le classique mélange d’haricots blancs, servi ici avec un pain au mais.
Alors qu’il y a peine 3 semaines, Pia et Baldur étaient très décidés à aller en Iran (et m’avaient meme proposé de pédaler ensemble pour que je ne sois pas seule), ils ont bien changé d’avis. Ils renoncent aussi à y aller, et ne savent pas encore qu’elle est leur prochaine destination après la Géorgie.
Le lendemain, le samedi, je migre vers un autre appartement: celui de Mar, qui m’avait accueillie lors de mon premier séjour dans la capitale. Elle n’est pas chez elle, mais en voyage à vélo aux Pays-Bas, mais sa sœur peut m’accueillir.
Changement d’ambiance quand j’arrive par rapport à l’appartement presque vide de Roman et le calme qui y règne. Il y a en fait les 2 sœurs de Mar, qui s’étalent partout dans l’appart, avec leur maquillage, leur vêtements. Elles se promènent presque dénudées, mettent la musique à fond, et le soir c’est soirée Salsa pour l’une d’entre elles. Sacrée ambiance !
30 octobre - de Tbilisi à Algeti
Après 2 jours off, “let’s hit the road!”, comme dirait mon ami cyclo-voyageur canadien Paul.
Étant hébergée bien au nord, je dois traverser tout Tbilisi: mais en ce dimanche matin, les rues sont presque désertes, et c’est plutôt agréable.
Avec Adèle, on s’est donné rendez vous à un village dans les faubourgs de Tbilisi, Tskneti. Il faut déjà avaler 400m de dénivelé positif pour y parvenir: maps.me me fait passer encore passer par un itinéraire improbable sur les crêtes d’un petit village, où ça grimpe sec, sec ! Et où je croise cette étrange statue.
Les jambes sont fraîches après 2 jours de repos, mais les sacoches sont bien lourdes des fastes courses de la capitale...
Encore une route aussi vallonnée que celle où on est passé il y a quelques jours pour atteindre la capitale depuis Tbilisi, et qui nous plonge dans la forêt.
Depuis quelques jours, je me suis mise dans une routine de podcasts quand je pédale, qui font passer plus vite les longues côtes ou les routes plates trop rébarbatives. Radio France devient l’une de mes applications préférées: c’est enfin l’occasion d’écouter toutes ces émissions qui ont l’air intéressantes mais qu’en temps de vie active, on prend jamais le temps d’écouter: entendez-vous l’éco, affaires sensibles, les chemins de la philosophie, interceptions, et j’en passe.
Sur notre passage, plusieurs gestes amicaux: un automobiliste insiste pour que j’embarque 9 grosses pommes dans mes sacoches, bien que j’essaie d’expliquer que c’est beaucoup de poids sur cette route grimpante !
Je finis par troquer la majeure partie de celles-ci contre quelques cerises griottes bien plus légères à un camionneur russe un peu plus loin.
Au moment de chercher un spot de bivouac, à l’entrée d’une Église, on tombe sur un groupe d’amis qui nous invite pour l’apéro. On a le droit à deux grands verres de vin fait maison et des restes de barbecue. Je retiens enfin l’expression géorgienne pour trinquer: « Gaomarjos ! »
Ils ont fait un bon feu de camp, et avant de partir, ils vont gentiment nous chercher du bois, pour qu’on puisse continuer à l’alimenter. C’est en fait mon premier feu de camp du voyage, vu ma nullité à allumer moi même des feux...
Gaomarjos!
On décide de camper derrière l’Eglise, qui date encore des alentours du 10eme siècle. On semble devenir spécialistes de denicher ces vieilles églises de pierre !
Bivouac près d’une vieille église
31 octobre - d’Algeti à Aspara
Le lendemain, on petit déjeune et plie bagage devant les bergers, qui vont traverser les troupeaux à côté de notre campement. On en profite pour leur offrir un peu de thé.
Ouf, on est presque à la fin du montée, avant une partie plus plate qui mène sur la ville de Tsalka, où on rejoint à ce moment-là la fameuse route des lacs. Et là, c’est tout de suite un changement de décor: Tsalka est située à l’orée du premier lac, qui est un lac artificiel. On entre sur un paysage de grandes plaines, entourée de montagnes toutes enneigées au sommet. On est en fait dans une région du Petit Caucase.
Tsalka, par son nom, du fait qu’elle surgit isolée au milieu de ce plateau montagneux et austère, et par l’aspect de ces maisons deglinguées, me renvoie l’image que je me fais d’une ville sibérienne.
Alors qu’on continue à pédaler, un fort vent de face se met à souffler: Pia et Baldur nous avaient prévenus, ça souffle intensément dans cette région !
Cela nous coute bien de l’énergie de pédaler contre cette force éolienne et ça fatigue moralement de le sentir toujours face à nous.
Au déjeuner, on s’arrête plus car on a besoin d’une pause dans ces conditions, que par une vraie faim. Mais le spot du midi, dans le jardin d’une église, est pas vraiment abrité, et tout s’envole.
L’après-midi nous réserve une autre difficulté: une longue montée de 700m de dénivelé, pour atteindre un deuxième plateau, où se situe un deuxième lac, le lac Paravani.
Celle-ci commence par une cote bien raide, qui heureusement est plus abritée du vent. Mais dès que le relief est un peu plus plat, le fort vent repart de plus belle, et finis par bien nous refroidir. Un peu après le col Tikmatashi, situé à presque 2200m, je m’abrite sous un abribus pour attendre Adèle, en sautillant de partout pour éviter de trop me refroidir.
Au niveau du lac, on a prévu de bifurquer sur une route secondaire qui longe de très près l’étendue d’eau. Il s’agit en fait d’une piste non bitumée: mes envies d’aventures sur ce genre de terrain en fin de journée sont bien refroidies par les conditions plus extrêmes que prévues, mais la promesse d’un bivouac à l’abri du vent (que nous ont pointés les allemands sur la carte), nous fait pédaler avec la dernière énergie qui nous reste sur cette piste.
Nous croisons un premier village, avec quelques habitants: quel rude vie ils doivent avoir, plantés là à 2100m d’altitude, avec ce vent constant et déjà un froid impressionnant pour un mois d’octobre !
Le spot promis est situé au niveau d’un deuxième village: on a qu’une hâte, c’est d’y parvenir enfin, alors que le froid perce tous nos vêtements humides et que la nuit arrive à grands pas.
On parvient à la fameuse maison abandonnée, au moment du coucher du soleil. Et celle-ci tient toutes ses promesses ! Trois portes pour nous isoler du froid, et une grande pièce recouverte d’un parquet. Quelle différence de température à l’intérieur !
La maison abandonnée qui nous sert de refuge
En ayant cette belle pièce pour nous, on prolonge la soirée plus de coutume, sans avoir à rentrer dans nos tentes dès que le froid se fait trop ressentir et que la nuit devient trop noire...
Un abri de luxe pour la nuit
1er Novembre - d’Aspara à Ashots’k. Arrivée en Arménie.
Au réveil, alors qu’on a bien senti que la nuit a été tempétueuse, en sortant de notre belle tanière, surprise: le paysage est recouvert de neige !
Les quelques flocons de neige annoncés par la météo ont été plus nombreux que prévus et ont fait plus que saupoudrer les alentours.
Avant/après
On prend le temps de bien se réchauffer à l’intérieur à coups de grandes rasades de thé, avant d’aller affronter les éléments. Il neigote encore, et avec le vent, on se retrouve dans ces conditions d’hiver assez désagréables, où la neige fouette le visage.
Mais quelle belle ambiance ! Sur cette route isolée et dans le paysage enneigé, on se croirait effectivement en Sibérie.
Ambiance hivernale
On se réchauffe en pédalant énergiquement, puis d’abord par un café turc dans une petite gargote familiale, et enfin en s’accordant un restaurant à Ninotsminda, la dernière grande ville avant la frontière. On se dit que ce sera nos dernières spécialités géorgiennes en guise d’Aurevoir à cette très chère Géorgie, mais non, point de kachapuri ou de Khinkali: le propriétaire du restau est arménien, et la carte est pseudo armeno-turc !
Dans l’après-midi, le temps oscille entre grandes éclaircies et quelques flocons de neige, avant le soleil refasse son apparition pour de bon.
Le passage de la frontière est d’une simplicité enfantine: le poste-frontière est désert, et ça nous prend quelques minutes pour montrer deux fois nos passeports. Après environ 1310km pédalés dans le pays, au revoir temporairement la Géorgie (tu m’as si bien traitée!) et c’est parti pour l’Arménie.
Il y a souvent cette excitation quand on change de pays: on va découvrir de nouvelles coutumes, de nouvelles spécialités culinaires, les particularités des routes qu’on va traverser, etc.
Dans mon cas, l’excitation est décuplée car l’Arménie est aussi le premier pays de ce voyage que je découvre complètement, contrairement à la Géorgie et à la Turquie.
Les premières impressions sont la route tout d’un coup bien plus cabossée dès le changement de pays, et les toilettes nauséabondes où je vais chercher de l’eau.
Mais arrivées à la première ville, Ashotsk, le monsieur qui nous vend nos cartes SIM locales est très accueillant, et parle un anglais parfait.
Il est temps de trouver un endroit où poser nos tentes pour la nuit, qui à 1900m d’altitude, sera encore bien fraîche. On se faufile dans les petites ruelles de terre de la ville, qui nous mènent vers la cambrousse, et de potentiels spots de bivouac.
Au passage, dans les maisons fermières, on demande de l’eau pour la soirée. Mais voilà, que notre bienfaitrice aqueuse nous dit de rentrer chez elle. Puis c’est un homme qui arrive, sûrement son mari, qui nous mène vers une autre maison, et nous dit nous installer en répétant « cay cay » (et oui le mot « thé » est universel dans tous les pays).
Et voilà qu’on se fait inviter pour la nuit: quand on mentionne qu’on ne peut s’attarder car on doit planter la tente avant l’obscurité, il n’en est pas question, et on nous indique déjà du doigts les lits pour nous dans la maisonnée.
Ah, la chaleur magique du poêle ! Attablées devant celui-ci, on nous sert un cay accompagné d’une montagne du fameux pain arménien, le Lavash et du fromage de la ferme.
On passe donc notre première soirée en Arménie, en compagnie de Tehmina et Sargis, nos deux hôtes. On a peu pratiqué l’arménien avant de venir; on a juste le temps de voir celui-ci semble bien compliqué, encore plus que le géorgien. Le mot magique « Merci » est « shnorhakalut’yun » et donc bien impossible à prononcer et à retenir.
Adèle arrive à converser de quelques mots grâce au russe qu’elle pratique depuis peu sur duo lingo. J’adopte aussi le russe pour remercier: « passiba ».
Dans le foyer, c’est la femme Tehmina qui s’affaire de partout, notamment pour aller traire la vache et ramener le lait, pendant que Sargis nous tient compagnie. Il est avide d’utiliser Google Translate pour nous parler, mais son arménien écrit semble très approximatif. Couplé à une traduction approximative de la part de l’application, ça donne souvent des phrases sans queue ni tête. Alors il reste les mimes, et aussi le partage de nos photos de voyage, qui semble le transporter dans la découverte et l’aventure.
Puis c’est l’heure du dîner, avec un festin: une montagne de lavash et de fromage, de bonnes pommes de terre sautées, des poivrons grillées, le lait chaud tout droit sortie de la traite.
Ça a l’air de leur faire très plaisir de sortir toutes leur victuailles, et ils nous servent et réservent. Avec tout ça, on mange même plus qu’un repas de cycliste !
On discute encore un moment, et on aide comme on peut le couple: ceux-ci s’apprêtent à partir pour la Russie, pour plusieurs semaines visiblement, vu la tonne de victuailles qu’ils nous demandent d’aider à emballer.
Finalement, on s’endort dans deux petits lits dans le grand séjour qui semblaient juste nous attendre !
2 Novembre - d’Ashots’k à Lori
Le lendemain matin, le café servi par nos deux hôtes est corsé juste comme il faut. Tehmina s’affaire de bonne heure, pour préparer du pain maison: elle pétrit la pâte comme une pro, et la glisse ensuite dans le four à bois. Il semble que toute la nourriture soit faite maison dans le foyer.
Tehmina s’affaire pour cuisiner du pain
Alors qu’on s’apprête à dire au revoir à nos hôtes en les remerciant encore une fois, on nous dit de rester, le petit déjeuner va bientôt être servi.
Et quel petit déjeuner! Celui-ci est encore plus copieux que le repas. Les pâtes qu’on avait vu Tehmina mettre au four nous sont servis avec une sorte de crème/fromage fondant. Et encore plus de poivrons grillés, accompagnés du pain chaud tout juste sorti du four. Miam !
Quel petit déjeuner !
On repart finalement de Ashotsk la peau du ventre bien tendue, et avec de réserves de pain tout chaud et du fromage bien odorant dans nos sacoches. Il est temps de digérer à grands coups de pédales !
Le paysage est celui d’une steppe montagneuse.
On s’éloigne bientôt de la grande route, et on prend une route secondaire pour aller en direction du nord-est, vers le canyon de Debed.
Celle-ci se transforme vite en piste de terre: pas une de ces pistes turques toute lisse, presque aussi aisée à pédaler qu’une route asphaltée, mais plutôt une piste bien cabossée, avec nids de poule et cailloux qui rendent le pédalage plus costaud et plus fatiguant.
Surtout sur la longue descente qui finit par arriver, après les petites côtes.
On fait une pause au trois-quarts de celle-ci, plus pour soulager un moment nos poignets et bras qui subissent le plus des nombreuses secousses de la route.
Ouf, alors qu’on revient vers des endroits plus peuplés, une belle route asphaltée fait son apparition !
L’arrivée à la ville de Tashir est l’occasion de découvrir les supermarchés arméniens, toujours un objet de curiosité pour les cyclistes qui y decouvrent comment se ravitailler. Et c’est une bonne surprise par rapport à la Géorgie : quelle faste dans les rayons, et surtout comme c’est pas cher ! Mon aliment de comparaison: la tablette de chocolat. Alors que celle-ci coûtait plus d’un euro en Géorgie, elle coute ici cinquante centimes.
Nous continuons notre route jusqu’à la petite ville de Lori et sa forteresse, qui devrait faire un emplacement idéal de bivouac.
Au passage, encore des gestes de gentillesse, alors qu’on demande de l’eau. La mamie et sa petite fille nous donne en plus des pommes et de belles carottes du jardin.
On visite donc la forteresse de Lori en fin d’après-midi. Les remparts sont impressionnants, mais à l’intérieur, plutôt décevant, que des ruines.
Le gars du guichet qu’on peut poser nos tentes à côté du monument: ce sera donc un bivouac de luxe, avec une grande table pour cuisiner.
La forteresse de Lori
3,4 et 5 Novembre - Le canyon de Debed
Les trois prochains jours, nous découvrons les environs du canyon de Debed, au nord-est de l’Arménie.
Le jeudi 3 Novembre, une quarantaine de kilomètres à vélo sur une petite route de campagne presque déserte nous mène à l’entrée du canyon, et aux faubourgs de sa ville centrale, Alaverdi. Là, nous avons repéré une guest-house pour y passer les deux prochaines nuits, et explorer les alentours.
L’arrivée sur le canyon de Debed
Le jeudi après-midi, après la demi-journée de vélo, ce sont donc les délices de la farniente sous un vrai toit, qui même non chauffé, nous paraît un luxe incommensurable. On est redescendus à environ 800m d’altitude, et tant que le soleil pointe dans le ciel, nous apprécions d’agréables températures d’automnes, attablées à la terrasse de notre hébergement.
Le gros avantage de la guest-house n’est pas cette fois sa propriétaire, Irina que je qualifierai d’aimable mais guère sympathique et peu soucieuse de nous, mais sa grande cuisine et salle à manger, qu’on a pour nous toutes seules.
Ah, les joies de repas cuisinés autrement que sur nos petits réchauds de fortune ! On se gave de légumes poêlés au dîner, d’œufs brouillés au petit déjeuner.
Le deuxième soir, on découvre la meilleure bière arménienne (d’après des connaisseurs), la Dargett, issue d’une micro-brasserie d’Erevan.
La dargett, les bons repas dans la grande cuisine, et la vue depuis la guest-house
Le canyon de Debed vaut déjà le détour, par son paysage singulier: le canyon est est situé sur un plateau déchiqueté, séparé au milieu par une grosse fissure qui accueille la rivière Debed.
Mais la région est surtout connue pour sa série de monastères perchés et ses églises orthodoxes en haut de petits villages.
Alors, on se fait une petite tournée de ces monuments: le jeudi, avant l’arrivée à Alaverdi, nous visitons la belle Église d’odzun, datant du 8ème siècle, et son monument funéraire, l’un des seuls en Arménie.
La belle Église d’Odzun
Le vendredi nous emmène dans une ballade qui relie deux monastères, celui de Sanahin et de Haghpat, tous deux inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, choisis pour ces raisons suivantes:
« The two monastic complexes represent the highest flowering of Armenian religious architecture, whose unique style developed from a blending of elements of Byzantine ecclesiastical architecture and the traditional vernacular architecture of the Caucasian region.»
Sanahin
Construits un peu près à la époque, au 10ème siècle, ils étaient à leur heure de gloire d’importants centre religieux et éducatifs, accueillant en plus d’une église, une grande bibliothèque et des écoles. Jusqu’à 500 personnes vivaient dans le monastère de Sanahin.
Aujourd’hui, l’intérieur des Églises et les chapelles restent préservés, alors que le reste des bâtiments sont des ruines. Malheureusement, sur place, peu d’explications historiques sur les lieux, les chargés de tourisme arméniens ont des progrès à faire pour informer les touristes !
Haghpat
Nous expérimentons tous les moyens de transport pour se rendre à ces monuments: d’abord nos vélos délestés de nos lourdes sacoches, puis le mini-bus local, les chemins de rando pour se rendre d’un monastère à l’autre, et finalement l’auto-stop au retour.
Sur notre passage, souvent des gestes de gentillesse. D’abord, dans le bus, de la mamie de 68 ans, ancienne prof d’anglais qui nous fait la conversation et nous parle de Charles Aznavour, et insiste pour nous payer nos trajets avec sa petite monnaie. Puis, des commerçants, qui nous aident à garer de manière secure nos vélos, et nous lance leurs quelques mots de français: « Bonjour Madame, comment ça va ? »
Enfin, du couple originaire d’Erevan qui nous prend en auto-stop, qui nous donne des conseils d’autres visites à faire aux alentours, en nous montrant toutes leurs photos.
Balade dans le canyon de Debed entre les 2 monastères
Le samedi, avant de repartir en vélo,on se lance dans une dernière excursion monastèriale en stop, pour visiter le monastère d’Akhtala, le plus beau de la région,selon nos chauffeurs de la veille. Effectivement, celui-ci est mieux préservé, et les fresques de son Église valent vraiment le coup d’œil.
Le stop en Arménie semble encore plus facile qu’en Géorgie, et encore une fois, on est agréablement accueillis d’abord par un chauffeur de camions géorgien, puis par un conducteur de taxi, qui nous prend sans nous demander d’argent, insiste pour nous amener jusqu’à notre guest-house, et nous montre des photos de sa fille qui habite à Lyon.
Akhtala
L’après-midi, on repart pour du bon en vélo vers le Sud, en direction de la région de Tavush, en prenant cette fois la route de la branche est de Debed canyon, qui longe fidèlement la rivière.
Et un petit dernier monastère sur la route !
On plante nos tentes dans le petit village de Gurak, avant la « grande» ville de Vanadzor, dans un de ces spots de pique-nique/barbecue qui abondent en Arménie. Ceux-ci sont notamment pourvus d’une table abritée sous un toit: une source de confort, à l’heure des bivouacs très frais, où l’on attend impatiemment 19h pour cuisiner en hâte nos dîners, et ensuite se fourrer le plus vite possible dans nos tentes, à l’abri du vent et dans la douce chaleur de nos duvets...
6 Novembre - de Gurak à Idjevan
Le lendemain matin, s’extirper de la tente est plus difficile que d’accoutumée, alors qu’il a plu pendant la nuit, et que le temps s’annonce encore menaçant.
Nous repartons en vélo sous une légère pluie, abritées comme on peut nous nos couches de vêtements waterproofs.
Il nous reste encore 700m de dénivelé positif pour atteindre un col à 1800m.
Les environs sont jolis, les couleurs d’automne sont surplombées par des sommets saupoudrés de neige, mais je pédale sans envie, sous la pluie et un peu de circulation: les voitures arméniennes sont vieilles et particulièrement bruyantes sur notre passage, ce qui est bien agaçant.
Au moment où la descente commence, le froid issu du vent et de la pluie intermittente se fait bien sentir: on pourrait pas continuer à monter pour une fois ?!
On trouve miraculeusement un café pour se réchauffer à l’orée d’un village, dans une gargote pas chauffée, mais qui a le mérite de nous isoler pendant un petit moment de la pluie et du vent.
Puis on dévale à toute vitesse les 17km de descente qui nous sépare de Dilijan, la ville touristique du Tavush, où on s’est promises qu’on s’accordait un bon déjeuner dans un restaurant chauffé.
Le restaurant choisi est finalement bien « fancy »: au menu, le slaps, les soupes locales et deux spécialités armeno-georgiennes, aubergines farcies aux noix, et champignons fourrés au fromage, servis en petite quantité et par des serveurs encostumés. Mais au vu des prix locaux, ce fancy restaurant nous revient au coût d’un restau low-cost français !
Miam au restau!
Revigorées par un tel festin, on pédale avec bien plus d’entrain pour atteindre Idjevan, une autre ville du Tavush, où Adèle a contacté un hôte couch-surfeur, Artur, qui peut nous loger pour au moins 2 nuits.
L’arrivee sur le tavush pendant une éclaircie
On rencontre Artur dans son café-restaurant, dans le centre de la ville. Les revues de couchsurfing et de son café sur Google le présentent comme un véritable personnage et un homme adorable, et on est pas déçues.
Dès notre arrivée, Artur nous met à l’aise en nous cuisinant un shawarma végétarien en guise de goûter. Il ne parle pas un mot d’anglais, et il a des origines russes et arméniennes: il insiste pour parler en russe, et en active à fond donc la traduction Russo-anglaise sur Google Translate.
Son café-restaurant semble être sa grande fierté, et on voit qu’il y a mis de sa personnalité: sur l’écran de télé, défilent des photos de ses clients, souvent des touristes venus des quatre coins du monde. La tapisserie qui décore le lieu est étonnante et faite maison, d’un savant assemblage d’affiches de boissons et de plats qu’il cuisine. A cela, s’ajoute son amour de la musique: dans son restaurant, suivant l’heure et l’atmosphère, une musique d’ambiance ou une musique disco, qu’il agrémente d’éclairages lumineux qui imitent un décor de boîte de nuit.
Après la fermeture de son café où l’on gare en sécurité nos vélos, on embarque dans sa voiture (où règne aussi une ambiance disco avec la musique entraînante qui sort du poste de radio et les néons violets qui customisent l’intérieur), pour regagner sa maison, située sur les hauteurs de la ville.
Le café d’Artur
On loge dans un bâtiment attenant à la maison principale, qu’il nous présente comme la “summer house”: un beau salon avec un grand lit et un canapé, mais sinon pas de chauffage, et pas d’eau dans les toilettes extérieures.
Pour la douche chaude, on peut oublier !
Mais on est quand même ravies de notre hébergement, et surtout de notre rencontre avec Artur, avec qui on prolonge la soirée, autour d’une bière car il faut trinquer, mais aussi autour d’un thé car il faut se réchauffer!
7 et 8 novembre - 2 jours à Idjevan
Les 7 et 8 novembre, on élit notre camp de base dans la summer house d’Artur, avec comme projet originel de découvrir la région du Tavush, à pied et à vélo.
Mais c’est sans compter sur cette satanée météo, qui décidément joue bien contre nous depuis notre arrivée en Arménie...
Le lundi, on se réveille avec la pluie qui aura donc encore plus trempé nos tentes étendues dehors, qu’on essayait vainement de faire sécher.
Le brouillard, la fine pluie et le froid nous fait renoncer à la rando qu’on avait prévue. C’est donc journée farniente dans la summer house, où on circule en doudoune et on boit de grandes gorgées de thé pour tenter de se réchauffer.
Le rêve de la douche chaude s’est envolé, mais on improvise quand même une toilette en faisant bouillir de l’eau et en utilisant une bassine et un torchon en guise de gant. Ça me rappelle mon séjour dans un petit village Kenyan, sauf qu’au moins ici, on a l’eau courante. Au Kenya, on buvait du thé pour stériliser l’eau; ici, c’est juste pour se réchauffer.
Camp de base dans la summer house d’Artur
En plus d’être humides, nos vêtements sont bien crades, mais on est dans le dilemme de la lessive: faut-il les laver sachant qu’ils mettront plusieurs jours à sécher et qu’on les aura pas pendant ce temps-là pour nous réchauffer ?
En fin de journée, on descend en ville pour faire quelques courses et faire un coucou à Artur dans son café-restaurant. Celui-ci, dépité par une journée avec peu de clients, est bien content d’avoir de la compagnie, improvise un festin pour nous trois. Avec notamment son plat le plus apprécié, le chicken barbecue, qui est effectivement délicieux et cuit pile à point.
Il sort sa plus belle nappe, et aussi sa réserve secrète d’alcool. On a le choix entre vodka et cognac: les deux me répugnent tout autant; j’aurais envie que de l’eau ou du thé, mais je me force à boire et à trinquer. Artur tire de son côté russe pour son goût pour l’alcool et avale 5 shots de vodka sans problème. Les différences de pratique et de culture sont parfois difficiles à expliquer à nos hôtes: quand j’aurais rêvé d’une tisane et d’une heure de coucher précoce, je dois enfiler un verre de cognac et attendre que notre hôte nous reconduise en voiture (non, non, pas question qu’on retourne toutes seules à la maison à pied!)
Repas de fête dans le café d’Artur
Le mardi 8 novembre, malgré le temps toujours bien maussade, on part pour la rando qu’on avait prévue. Une chappe de nuages et d’humidité couvre tout le Tavush: pas de belles vues et de panoramas, mais une marche de plus de 16km dans le brouillard, la boue et le froid... Des fois, on se demande pourquoi on s’inflige de telles souffrances lors de jours off de vélo !
Une rando dans le froid, l’humidité et le brouillard
Le soir, on se revigore avec toujours du thé, et une grande platrée de pâtes avec sauce tomate faite maison: le plat parfait pour la journée de vélo du lendemain, où nous attend une longue et raide montée sur l’itinéraire secondaire de montagne qu’on a choisi pour rejoindre notre prochaine destination, le lac Sevan.
Avec en sus, un dessert original: de la confiture de khaki faite maison, qu’on improvise. La Géorgie et l’Arménie regorgent de Kakhi, et Artur nous en fait don d’un grand saladier de ces fruits. Une belle découverte !
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