21 Septembre - jour 19 - de Sivas à Zara
Le mardi 20 Septembre, je fais un jour de pause à Sivas. Grâce à l’aide de mon hôtelier, je me fais recoudre ma sacoche en deux temps trois mouvements et gratuitement !
J’explore cette ville foisonnante, entre tradition et modernité. A Sivas, il y a de multiples bazars, mais aussi des tonnes de magasins tous plus spécialisés les uns que les autres: il y a ceux qui vendent des pommeaux de douche, des tapis, des bouteilles de gaz, du miel, des graines et céréales, etc...
Les femmes d’âge mûr sont toutes voilées et couvertes de la tête aux pieds, alors que les jeunes femmes sont plus dénudées et habillées à l’occidentale. Il y a d’ailleurs deux types de magasin de vêtements pour femmes, pour les deux générations et différences d’accoutrements.
Je me délecte aussi de délicieuses pâtisseries turques, et visite le Caravansérail de la ville, très joli, même si assez touristique.
Je dis au revoir à Sivas en longeant une grande artère qui sort de la ville, et d’abord en me faisant offri r un cay (thé) par un commerçant, alors que je m’arrête devant une fontaine pour nettoyer ma chaîne, puis par un cycliste avec aussi un vélo équipé pour le voyage, qui m’envoie de grands bravos.
J’ai décidé de changer un peu de tenue, après les quelques avances qu’on m’a faites depuis que je voyage seule. Malgré mon short cycliste pas du tout sexy, le fait que je prends des douches tous les 3/4 jours et que je dégouline souvent de transpiration, il semble que je véhicule encore l’image d’occidentale aguicheuse. Donc, maintenant, je fais en sorte que peu de peau dépasse de ma tenue.
Changement de tenue
Ça tombe bien, les températures ont bien chutées, on a du perdre plus de 15 degrés en 2 jours, et en ce 21 Septembre, j’ai l’impression d’être catapultée d’une journée d’un été brûlant à une journée d’automne maussade et pluvieuse, sans transition.
La pluie est en effet annoncée dans la journée.
Je circule sur une petite route assez valonnée qui devrait me mener à Zara, la prochaine petite ville du coin. Comme la route qui m’a mené à Sivas, celle-ci replonge directement dans une campagne profonde: Sivas est vraiment plantée seule au milieu de nulle part, sans banlieues ni faubourgs.
Le paysage est un peu moins sec, et les couleurs rouges dominent le jaune que j’avais partout jusqu’à présent.
Alors que je pédale, un automobiliste dans un pick-up s’arrête soudainement.
Il commence à engager la conversation, et je comprends qu’il me dit qu’il va pleuvoir, que je devrais pas pédaler dans ce temps-là, et il semble me proposer d’embarquer moi et mon vélo sur la plage arrière. Je décline, et il part, dépité.
Encore un qui doit penser que je suis folle...
Quelques gouttes de pluie arrivent effectivement. Mais cela ne dépasse pas quelques gouttes qui tombent toutes les 2h. Donc c’est ça la définition de la pluie en Anatolie ? On dirait que quelque soit la force céleste qui gouverne les précipitations, celle-ci ne voudrait pas trop risquer de reverdir un paysage si sec...
J’ai repéré sur la carte un petit raccourci par rapport à la route que je suis, qui passe par 2 villages. Je décide de l’emprunter. Mais bien sûr à mes risques et périls: après le deuxième village, la route asphaltée se transforme en piste de terre assez vallonnée: je dois donc sûrement finalement mettre plus de temps que si j’avais sur la route principale !
Avec les quelques gouttes de pluie, vient aussi le vent, qui est lui plus dérangeant. Et je me retrouve pendant 2h à pédaler avec un bon vent de face, qui me ralentit bien et casse le moral...
Mais bientôt, je rejoins la plus grande route, pour la trentaine de km restant jusqu’à Zara, et le vent de retrouve plutôt de côté.
La route est cependant en travaux, et il y a qu’une voie pour chaque sens de la circulation, et surtout plus vraiment de bande d’arrêt d’urgence pour mon vélo... Ce qui fait que je me fais happer par le souffle des camions qui sont bien proches de moi quand ils me doublent. Pas très secure ! Tant pis, je décide de pédaler à côté sur la route en travaux pas bitumée.
Au passage, je me fais offrir un deuxième cay par les ouvriers qui font les travaux.
Alors que je suis à moins d’une dizaine de km de Zara, une vraie pluie commence à tomber, mais qui ne mouille pas encore trop.
J’arrive finalement à Zara en même temps qu’une pluie qui redouble d’intensité, de fortes bourrasques de vent et un début d’orage.
Et d’après ma météo, ce ne va pas s’arranger dans la soirée, donc nul espoir de planter la tente ce soir...
Je décide de chercher l’ogretmenevi de la ville, une sorte d’hôtel pour enseignants sensé être plutôt bon marché.
Je le trouve dans le centre-ville; celui-ci ne ressemble pas vraiment à un hôtel, mais plutôt à une sorte de bâtiment officiel du gouvernement, avec un grand portail... En effet, j’apprends que ces sortes d’hôtel sont en fait opérés par le ministère de l’éducation.
Il m’intimide un peu, et je m’arrête aux marchands de fruits et légumes d’en face pour demander si j’ai bien le droit de loger dedans. On me dit oui, et on m’offre au passage mon troisième cay, alors que dehors la pluie bat son plein... Vais-je réussir à dormir avec tous ces cay ingurgités ?
Je me rends donc à l’ogretmenevi pour demander une chambre. Après moultes phrases traduites sur Google translate, toutes mes données de mon passeport enregistrées sur leur ordi, me voila à l’abri de la pluie pour la nuit. L’ogretmenevi n’est pas si bon marché, 11€ la chambre, mais quand je vois la tête de celle-ci (je le croirais presque dans un palace) et que j’apprends que le petit dej est inclus, je me dis que c’est un très bon rapport qualité-prix !
L’ogret-menevi est aussi luxueux que la ville est elle-même moche d’ailleurs...
La chambre à l’ogretmenevu versus la laideur de Zara
22 Septembre, jour 20 - de Zara à Susehri
Le lendemain, au petit-déjeuner, le traditionnel cay mais aussi que des hommes. Je me sens presque comme une intruse...
Météoblue annonçait de la pluie pour le début de matinée, mais heureuse surprise, le ciel est finalement plutôt dégagé.
J’en profite donc pour partir de bonne heure; d’après ma carte, j’ai quand même trois cols à franchir avant d’atteindre Susehri, la prochaine ville où je vais devoir sûrement trouver encore un vrai abri, car le mauvais temps est sensé revenir.
De nouveau une petite route, et nouvelle bonne surprise: enfin de la verdure, avec des mêmes des semblants de forêts. J’avais presque oublié à quoi cela ressemblait...
Un peu de verdure
Le paysage est donc plus verdoyant et bien moins sec, je longe quelques cours d’eau et je découvre les spots de bivouac bucoliques aux bords des rivières mentionnés par Sylvain Tesson, lorsqu'il traverse la partie de l’Anatolie entre le poste-frontière géorgien et Erzurum.
Il semble aussi que cette région est le pays du miel: j’ai croisé beaucoup de mieilleries à Sivas, et je découvre sur la route l’aspect des ruches turques. Étonnant !
Les ruches
Un autre avantage de pédaler en Turquie: la multitude de fontaines qui bordent les routes, et qui permettent de recharger les bouteilles en eau potable. Sur chacune d’elles, une année et une inscription. Et sur la route où je suis aujourd'hui, il y en a particulièrement, parfois une tous les 200m.
La multitude de fontaines
Un seul vrai village sur ma route, Serefiye, où là encore je ne croise que des hommes dans les rues.
Comme prédit sur la carte, ça monte et ça descend beaucoup !
J’atteins finalement un dernier col à 1925m.
Là, je m’attends à presque que de la descente jusqu'à Susehri, située à 1100m. Mais si je commence par une descente assez vertigineuse, la suite reste assez vallonnée, et je dois souvent pédaler assez intensément dans de petites côtes.
Ça monte et ça descend !
Comme la veille, il semble que le mauvais temps veuille attendre que je sois presque arrivée à destination pour s’installer. Vers 14h30, une pluie tout de suite assez intense se met à tomber alors que je suis à quelques kilomètres de Susehri.
Malgré mes vêtements de pluie, je sens vite le froid et l’humidité, et je me réfugie dès l’entrée de la ville sous le mini toit d’une aire de pique nique, à côté d’une mosquée.
Là, je suis tout de suite abordée par un homme d’une quarantaine d’années, qui commence à me raconter sa vie via Google Translate. Il me dit tout de suite qu’il se sent seul, et je sens que je suis partie pour une discussion qui va durer un moment... Je suis de toute façon l’attraction de la mosquée, et bientôt, un groupe d’hommes s’assoit près de nous et parlent de mon vélo.
Au final, l’homme, Can m’offre le goûter ponctué d'un éternel cay, pendant que l’orage bat son plein. Là encore, que des hommes, des amis de Can qui tiennent le market du coin, aux écoliers qui reviennent de l’école, dont le petit Émir qui discute un moment avec nous.
Can et Émir
Can est musicien, et me propose de me jouer de la musique dans son appartement. Je pense naïvement qu’il a l’air reglo, et au vu du temps, je suis bien contente d’aller me mettre au chaud.
Je passe finalement une soirée assez étrange en sa compagnie. Can a besoin de parler et de s’épancher; après une journée de vélo assez éreintante, j’aurais bien aimé un peu de calme et de tranquillité, mais pas vraiment possible, il m’accapare.
Alors on tapote sur nos téléphones des phrases plus ou moins bien traduites par Google Translate.
Du côté de Can, c’est plutôt le bureau des pleurs, et je me retrouve à jouer les psychologues du dimanche pour tenter de lui remonter le moral. Très attaché à ses parents et en particulier à sa mère, c’est la déprime dans sa vie depuis leur mort il y a 3 ans. Il me montre une vidéo montage des photos de ses parents qu’il a lui même réalisé qui dure une quinzaine de minutes, en me disant que rien ne remplace l’amour d’une mère.
Sur le balcon, Il me propose une bière, et se sert du whisky, en me disant bien qu’il faut rester discret, car ici, boire de l’alcool est mal vu. On mange en même temps des cofte, sortes de sandwich turcs aux boulettes de viande.
Mais alors, le whisky semble lui monter à la tête, il commence à me dire que je suis sa destinée venue le sauver de ses malheurs et de ses addictions (il fume beaucoup et se met à me demander la permission pour fumer chaque clope), qu’il devrait venir en France... Et finit par me faire des avances !
Je les décline, et m’apprête à me barrer, malgré la pluie battante et l’orage qui gronde. Mais il refuse, se met à se confondre en excuses pour avoir oser faire ça à une femme mariée, me dit qu’il ne peut me laisser partir au vu du mauvais temps.
Pile à ce moment-là, Matthias, comme s’il sentait ma détresse, m’envoie un message pour me demander si ça va. Ah Matthias, la pudeur allemande par excellence, qui me demandait même si ça ne me gênait pas qu’on dorme dans la même pièce sur deux sofas bien distants, et aurait été sûrement prêt à aller dormir dans les WC le cas échéant... Si seulement tous les hommes turcs pouvaient être comme toi !
Au final, je reste en dormant dans le salon, tout en fermant la porte de la pièce à clé pour être tranquille.
Suite à cette nouvelle mésaventure, une nouvelle resolution: ne plus accepter l’hospitalité d’un homme célibataire, du moins tant que je suis en Turquie.
Je suis de plus en plus mal à l’aise face à cette société machiste, où le respect de la femme est accessoire: surtout gardons là voilée et laissons là cloîtrée à la maison, mais par contre, pas de soucis, on peut aller draguer l’occidentale de passage !
Et je me sens en plus comme une bête de foire, comme la femme étrangère qui ne respecte pas les coutumes et qui ose en plus voyager seule en vélo...
23 Septembre, jour 21 - de Susehri à Yenice
Le lendemain, Can se confond encore en excuses pour son comportement de la veille, puis c’est de nouveau le bureau des pleurs sur sa vie. Ça en devient gênant, et je décide de déguerpir au plus vite de chez lui, à à peine 6h30 du mat, en refusant sa proposition de petit déjeuner, même si j’ai l’estomac sur les talons.
Je traverse la ville de Susehri au pas de course, je décline une invitation au cay par un groupe d’hommes (marre de tous ces hommes !), et commence à pédaler dans le froid et l’humidité.
Les environs de Susehri
Heureusement, sur la grande route, quelques kilomètres plus loin, un mescit: une sorte d’aire de pique-nique avec toilettes, avec en plus une petite salle, pour prier je pense.
Parfait pour cuisiner mon petit-déjeuner et me réchauffer !
Le mescit
Le soleil commence à pointer le bout de son nez, et je pédale une trentaine de km sur la grande route. Puis, mon itinéraire replonge dans une petite route, qui grimpe, grimpe !
Une voiture s’arrête et un "Bonjour, comment ça va ?" en sort. Comme d’habitude, on me demande où je vais: Kelkit, qui est la prochaine grande ville. "Ah mais le mieux c’est la grande route...".
Je soupire, n’écoute pas et continue.
Je traverse une série de petits villages, et suis de nouveau arrêté par un automobiliste: il me fait comprendre par des signes que je dois absolument faire demi-tour, que je suis sur la mauvaise route, que celle-ci va arrêter d’être bitumée et que je vais pas y arriver avec mon vélo. "Tu vas à Istanbul, Erzican ? Allez, retourne sur la grande route..."
Je m’obstine, je lui montre la carte sur mon téléphone, et je lui dis que je sais où je vais en nommant les villages qui arrivent. Il finit par renoncer à me faire changer d’avis. Encore un qui pense que je suis timbrée...
La route devient effectivement non asphaltée pendant 3km, mais néanmoins très circulable à vélo, avant de rejoindre une route asphaltée en parfait état.
Résultat des courses: ne pas écouter les conseils des turcs, même quand ils sont bien intentionnés. L’enfer est pavé de bonnes intentions, paraît-il !
Un peu avant midi, les muezzin résonnent et se font écho dans deux villages voisins. C’est vendredi, et en plus du traditionnel appel à la prière, le muezzin crie au haut-parleur une sorte de messe. Avec ce cri, j’ai l’impression de me faire alpaguer: "Hé toi, femme étrangère ne portant même pas le voile, et osant circuler en vélo sur une route non bitumée, que fais-tu donc là ?".
La route finit par arrêter de monter, puis descend sur un paysage encore une fois de toute beauté. Un massif montagneux, probablement le début de la chaîne pontique se dresse devant moi, et en contrebas un petit village accolé à un barrage, qui marque le début d’une rivière, la rivière Kelkit.
Dans le petit village, les hommes sortent en masse de la mosquée, je ne m’y attarde pas.
La route continue en longeant généralement la rivière (ce qui veut dire pas trop de dénivelé, ça fait du bien !). Une seule petite ville, Camoluk, sur le chemin.
Une rivière, de la verdure, et un ciel plutôt dégagé: tous les ingrédients pour faire un bon bivouac. Je trouve en fin d’après-midi un spot presque parfait, au bord de la rivière avec une table en sus. Et après 4 jours à l’hôtel, je retrouve ma tente avec plaisir, pour une soirée bien plus calme que la veille...
24 Septembre, jour 22 - de Yenice à Kelkit
Le lendemain, j’expérimente la première vraie rosée du matin, marquant le changement de climat.
Ma journée de vélo commence par une première côte qui dure une dizaine de km, avant d’être plutôt descendante jusqu'à la ville de Siran. Où je fais une bonne pause pour un second petit déjeuner: ah cette appétit dévorant du cyclo-voyageur dont l’estomac ne semble jamais comblé, et qui peut rêver des kilomètres durant à sa prochaine pause casse-croûte !
Il me reste une trentaine de kilomètres avant d’atteindre la ville de Kelkit, peut-être ma destination de la journée si le temps fait encore des siennes.
Temps maussade et bien humide, le genre de temps où tu as envie de rester à la maison. Quand tu en as une...
Je pédale sans envie, juste pour avancer. Après Siran, je n’ai guère de choix que de suivre la route principale, qui ressemble à l’une de nos départementales. Même l’option vélo de maps.me, pourtant expert à trouver les itinéraires passant par les villages les plus perchés, ne me propose pas d’autre choix.
Normal, je suis entourée de montagnes, du type Massif central ou Jura, un peu trop plat à mon goût.
Je me mets donc en pilote automatique, la musique aux oreilles. Je remarque à peine que la route grimpe jusqu'à un col à 1625m avant de redescendre.
Arrivée à Kelkit, rassasier mon estomac de nouveau en éveil est la priorité numéro un. Le pain classique turc est blanc et pas bon, mais dans les boulangeries des villes, privilège de citadin, on trouve des "simit", sortes de bagels aux graines de sésame, dégustés par les locaux au goûter avec le thé. Ceux-ci sont bien meilleurs que le pain, et je les achète pour mon pique-nique dès que je peux. Alors que je m’apprête à payer mes simit à la boulangerie, galérant toujours un peu pour comprendre le montant exact, un homme déboule, sort un billet de 10 lires turques pour payer à ma place, et repart aussi sec !
Une fois rassasiée, je dois décider de mon programme pour le reste de la journée: continuer malgré la pluie qui arrive dans l'après-midi, ou se poser tranquillement à l’hôtel en attendant que le beau temps revienne définitivement demain ?
Alors que le vent commence à souffler, que le froid perce mes vêtements mouillés de sueur, que le ciel se fait plus menaçant et que je découvre qu’il y a peu d’endroits où s’abriter sur la route à venir, le choix est vite fait, ce sera hôtel !
Pas de place à l’ogretmenevi de la ville, donc j’opte pour l’hôtel avec le commentaire "cheap and nice hotel manager".
Sage decision, puisque la pluie se manifeste moins d'une heure après.
L’hotel est le plus miteux de tout ce que j’ai fréquentés mais L’hôtelier a l’air effectivement bien sympathique, il m’offre le cay quand j’arrive, et me dit d’aller me reposer.
Vers 19h, alors que je m’apprête à sortir pour trouver de quoi dîner, l’hôtelier m’interpelle et me dit de venir avec lui pour diner.
Il m’emmène dans un restaurant, où il me dit de choisir ce que je veux sur la carte, alors que lui ne dîne pas. Il finit par me faire comprendre qu’il paiera le repas, et j’ai beau dire que ce n’est pas la peine, il insiste. Nous nous regardons avec bienveillance, la conversation est assez limitée car il a pas ses lunettes pour déchiffrer les phrases que je traduis sur Google Translate. Il est un de ses nombreux turcs qui ne connaît pas l’appli Google Translate, et simplement demande à son moteur de recherche de traduire ses phrases, ce qui marche plus ou moins bien, et donne lieu souvent à des traductions cocasses. Je mange donc mon plat, choisi au hasard sur le menu incompréhensible pour moi, que je trouve bien trop épicé à mon goût et qui me brûle donc la langue, pendant qu’il fait des pauses clopes dehors.
Au restaurant avec le voile
Puis, comme je lui avais dit que je buvais du vin et de la bière de temps en temps, au retour du restaurant, on s’arrête au passage pour qu’il achète 2 bouteilles de vin.
Nous retournons à l’hôtel, et il semble qu’il veuille qu’on aille boire le vin dans ma chambre. Oula, red flag tout d’un coup! Je commence à me méfier, même si l’homme respire vraiment la bienveillance et a presque l’age d’être mon père. Préparée, je porte le buff comme voile et le seul brin de ma peau visible sont mes mains, avec ma fausse alliance.
Il sort les verres à vin, et le plateau de fromage, et me propose de mettre de la musique française... En plein cliché donc !
S’ensuit une conversation assez surréaliste, où l’hôtelier, Aluk, en général use de mimes pour se faire comprendre, alors que je traduis ce que j’ai compris de ses mimes sur Google Translate, puis copie la phrase et la grossit sur un éditeur de texte pour qu’il puisse la lire.
J’apprends qu’il est athée, ce qui est original dans ce pays, qu’il est divorcé et a deux enfants de 25 and 27 ans dont un est professeur de mathématiques comme moi (c’est la profession que je donne parfois pour simplifier, car certains ne connaissent pas la notion de thèse), et que de son metier, il adore rencontrer des gens de nationalités différentes, et discuter avec eux.
Il me laisse finalement vers 21.30, quand je lui dis que je vais pas tarder à aller me coucher, et me dit aussi qu’il m’offre l’hôtel.
Waouh, enfin de nouveau un homme droit dans ses bottes, la bonté incarnée; me voilà de nouveau réconciliée avec l’hospitalité turque. Je m’endors un peu éméchée, il fallait bien honorer ces deux bouteilles de vin, mais bien contente de cette heureuse rencontre...
Un joli immeuble à Kelkit
25 Septembre, jour 23 - de Kelkit à Bayburt
Le lendemain matin, mon hotelier si gentil n’est pas levé quand je pars vers 8h.
Dommage, j’aurais bien aimé lui dire au revoir et prendre une photo avec lui en guise de souvenir. Je lui laisse néanmoins un mot pour le remercier encore de sa gentillesse et de son hospitalité.
Le beau temps est de retour pour de bon, et déjà un beau ciel bleu est installé.
Je quitte Kelkit en reprenant une petite route secondaire, qui devrait me mener au bout de 80km vers une autre ville, Bayburt.
Ça sent vite la bouse de vache et les troupeaux de brebis défilent le long de la route. Hormis les minarets et le fait que le blé récolté est parfois transporté de manière très sommaire dans des brouettes, on pourrait presque se croire dans la campagne française.
La route finit par monter: j’aperçois au loin des montagnes plus hautes: serait ce de la neige sur les sommets? Et non, un mirage, juste des nuages qui s’effilochent.
Je finis par atteindre un plateau vers 1600m. La route continue très plate, dans un paysage agricole, assez rébarbatif.
Je m’arrête à Demirozu pour une pause à la station service, où l’employé m’offre le cay. Un de ses collègues baragouine quelques mots d’anglais, me parle de religion, je comprends qu’il y a plusieurs catégories de musulmans, il se dit sari. Depuis plusieurs jours, j’observe en effet que certains hommes portent sur la tête un mini chapeau qui ressemble à une kippa.
Les alentours de Bayburt commencent par un poste de gendarmerie qui semble surveiller l’entrée de la ville.
Je passe tranquillement, un des gendarmes me demande juste d’où je viens.
La ville commence par un campus universitaire, planté tout seul, au milieu de nulle part, à 1600m d’altitude, encore à moitié en construction, et barricadé et encerclé par des grillages.
Bayburt
Une descente, et de l’autre côté d’une grosse colline, la vraie ville, Bayburt, qui de loin m’a l’air bien laide.
Je m’y attarde pas, ne rentre même pas dans le centre-ville, trouve un bout de trottoir pour m’octroyer un goûter, et reprends ensuite la route pour trouver un spot de bivouac.
J’observe les locaux dans leurs loisirs du dimanche: il y a beaucoup d’enfants dans les squares, souvent accompagnés par leur mère. D’autres familles s’amusent à faire tomber les pommes des pommiers sur la route, et enfin, je vois quelques pêcheurs le long de la rivière. Et bien sûr, tous ces hommes lascivement attablés aux salons de thé, je me demande de quoi ils peuvent discuter des heures durant...
Dès la sortie de la ville, la campagne reprend de plus belle, et commence la rivière Coruh, que longe la route. Campagne, rivière dit bon spot de bivouac!
Je fais une vingtaine de km, avant de bifurquer vers une petite route qui mène à un village que j’ai repéré, bordé par la rivière; soit je trouve un spot moi même en chemin, soit je demanderai aux gens du village.
Et paf, une piste de terre surgit pour révéler un spot parfait sur le lit de la rivière. Bien sûr, toujours quelques détritus par terre qui gâchent un peu la beauté du lieu; je n’ai jamais vu avec un pays avec autant de poubelles à tous les coins de rues, mais les turcs semblent avoir l’habitude de tout jeter n’importe où...
Une voiture s’en va, des locaux qui profite de ce dimanche après-midi pour faire un feu le long de la rivière.
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