Day 5 - Mihallicik to Kayakent
Réveillée à 5h45 du mat par le muezzin, j’en profite pour bouquiner. Ce matin, l’imodium est mon meilleur ami, après avoir pas toujours fait gaffe à quelle je buvais et avoir accepté tous les fruits qu’on m’offrait !
Nous quittons Mihallicik en commençant par une belle descente dans le plateau anatolien. Un paysage dépaysant, nous sommes face à l’immensitude des steppes anatoliennes. Très peu de monde sur la route, on croise plus de camions et tracteurs que de voitures. Mais les routes sont en parfait état. Le paysage est très vallonné, nous alternons des petites descentes et montées. Nous croisons les premiers kangales, les chiens de berger qui ont ici un collier avec des pics autour, sûrement pour être plus agressifs.
Des rangers s’arrêtent pour nous donner une bouteille d’eau chacun. Nous atteignons finalement un croisement avec une plus grosse route qui va en direction de Poateli et Ankara, où un conducteur nous donne un gros paquet de pommes. Nous reprenons une petite route qui nous replonge dans les steppes. Là, c’est un peu plus peuplé, chaque vallée un peu verte comporte un village, avec des maisons parfois seulement en terre et des bâtiments à moitié abandonnés, comme si les nouvelles générations désertaient ces villages.
Nous nous arrêtons un moment à Gununzu, pour faire 2/3 courses. On est alors assaillis par les locaux qui demandent où on va. Je sors ma carte routière, et tous essaient de nous dire qu’on a pas pris le chemin le plus court pour la Cappadoce, nous conseillant de rejoindre les plus grandes routes...
Nous nous arrêtons ensuite 15km plus loin dans le village de Kayakent: il est temps de demander aux habitants s’ils peuvent nous indiquer un endroit où planter la tente. Comme d’habitude, c’est compliqué de converser avec les quelques villageois attablés autour d’un chai. Même ma phrase toute prête en turc n’est pas comprise, j’ai encore des progrès à faire sur mon accent !
Finalement, un des hommes appelle quelqu’un au téléphone, et un jeune parlant un anglais presque parfait arrive. Celui-ci nous dit qu’on peut loger dans la maison à moitié construite de son oncle et de sa tante, où il y a des bons sofas où dormir.
Il nous invite aussi à dîner chez ses parents. Le jeune Burak est très bien éduqué; il est actuellement en train de finir une thèse en sciences politiques à Denizli, dans une université près d’Izmir. Il soutient dans à peine 20 jours et aimerait ensuite trouver un post-doc en Europe, parce qu’en Turquie, la qualité de la recherche est vraiment mauvaise, il y a peu de postes dans l’académie et tout marche par un système de réseau, et non pas au talent.
Après un bon dîner cuisiné par sa mère faite de soupes, ragoût de pommes de terre et pastèque et du bon pain fait maison, Burak nous montre nos quartiers: une maison qui semble destinée à être assez luxueuse, mais dont l’intérieur est encore en construction. Nous avons quand même lavabo, toilettes, cuisine et surtout deux beaux canapés pour dormir dedans !
Day 6 - from Kayakent to Suluklu
Matthias et moi dormons comme des bébés, et sommes à peine réveillés pas l’appel à la prière. Nous sommes convoqués par Burak pour prendre un solide petit déjeuner chez ses parents.
Au menu: menaman (sorte d’omelette avec les légumes du jardin), saucisse turque (qui ressemble à du chorizo), fromage frais, miel, olives, pain frais. Et bien sûr le chai, suivi du cafe turc. Nous discutons encore avec Burak, bien content de pouvoir pratiquer son anglais. Il nous dit que notre trip lui fait rêver car il avait pensé voyager avec des amis en Europe, plutôt en moto. Mais c’est en ce moment trop cher, au vu du taux de change entre l’euro et la lire turque. Il est aussi en train de monter une start-up en analyse de données pour extraire des opinions politiques des réseaux sociaux en Turquie: quand je lui dis que je fais du NLP, on se dit qu’on se recontactera dans quelques mois pour voir si je peux l’aider avec son associé !
Nous disons au revoir aux chatons sauvages, qui pullulent par ici, squattant les maisons des villages. On croise aussi par mal d’oies.
Nous décollons finalement vers 10h40, l’estomac bien rempli, en souhaitons bonne chance à Burak pour sa soutenance: il sera bientôt le premier docteur de son village !
Nous continuons notre chemin à travers les steppes anatoliennes, plutôt en descendant d’abord. Au bout de 25km, nous tombons sur un beau lac. Je décide d’aller m’y baigner, même si ça implique de prendre un chemin de terre qui rend nos vélos bien boueux. Le lac est actuellement peu profond, l’eau est donc bonne, même si pa facile de vraiment y nager. Cette petite trempette fait quand même du bien !
Nous stoppons ensuite dans un petit village pour le déjeuner peu après Celtik. L’épicier du coin nous offre le chai, nous dit que la Géorgie c’est beau mais nous déconseille l’Iran. Il nous demande ensuite de lui donner une bonne note sur Google: toujours étonnant à quel point au milieu de la steppe, les gens restent connectés et sont actuellement reliés par la technologie!
Nous prenons le temps de déjeuner, mais nous ne nous attardons pas; peu d’ombre dans ces coins, et la chaleur devient vite écrasante. Heureusement dès que nous pédalons, nous avons un peu de vent qui apporte tout de suite un peu de fraîcheur.
Nous finissons par traverser une plus grande route qui va d’un côté à Ankara et de l’autre à Konya. Notre destination est Cihaybenli, qui borde un lac salé (apparement sec), nous reprenons une petite route qui continue dans la steppe. Là, c’est plus plat, les parties les plus fertiles sont bordée de cultures, d’un côté du blé, de l’autre des champs de tournesol. Nous croisons aussi plus de bétail, des vaches qui sont quand même assez faméliques.
Nous atteignons finalement notre lieu de villégiature pour la soirée à la tombée de la nuit, à suluklu. Fatigués, nous nous arrêtons à la station service du village pour au moins prendre de l’eau. Son propriétaire nous invite pour le thé, et nous dit de planter nos tentes à côté. Clairement pas le meilleur spot de camping, mais il est trop tard pour chercher mieux dans ces steppes arides et peu propices aux spots de bivouac idylliques...
Le monsieur nous prête sa cuisine, ses toilettes et sa douche. Il a passé 1 ans et demi en Autriche et donc baragouine l’Allemand. Matthias arrive donc à converser de manière basique avec lui. Ils nous offre thé/ café, mais s’étonne que je décline (plus l’heure pour des boissons excitantes): la coutume est actuellement de boire du café le soir en Turquie, et plutôt du thé le matin. Il vit juste à côté de sa station d’essence, car celle-ci ferme à 1h du matin et re-ouvre à 6h, il doit lui même servir l’essence aux vehicules qui s’arrêtent. Il vit très chichement, sa salle à bain à l’extérieur n’a pas d’électricité et d’eau chaude. Dans son espèce de bureau qui lui sert aussi de salle à manger, l’ordinateur et la télé semblent sortis de plus de vingt ans en arrière !
Day 7 - from Suluklu to Golyazi
Nous commençons la journée par une douche bien décrassante dans les toilettes de notre hôte, qui permet d’enlever toute cette poussière.
Nous décollons vers 9h, après avoir encore bien profité de la cuisine de notre hôte pour le petit dej.
Les kilomètres s’égrènent et nous commençons à trouver le paysage un peu rébarbatif. Bien que je commence à avoir les jambes lourdes, j’essaie d’avancer vite pour parvenir plus vite au lac de sel, le Tuz golu qui nous attend.
10, 20, 30, 37km avant de faire une pause dans un petit village. Nous avons déjà un peu faim, et achetons quelques sucreries dans le market du coin. Son proprio finit par nous ramener les tomates et concombres de son jardin pour accompagner notre pain: c’est presque un second petit dej ou un déjeuner prématuré que nous faisons !
Encore un peu plus de 20 km pour atteindre Cihanbeyli, la ville du coin. Nous nous attardons dans un café, où le proprio baragouine de nouveau l’allemand, après avoir lui aussi vécu en Autriche. Au fur et à mesure que nous avançons vers l’Est, il semble qu’il y ait de plus en plus de turcs parlant un peu l’allemand, car ayant vécu un moment en Allemagne ou dans les pays voisins.
C’est parti ensuite pour pédaler sur une route qui longe le fameux lac de sel, le Tuz golu. Nous continuons à avancer dans ces paysages arides et désertiques, jusqu’à un croisement, avec d’un côté la route que nous sommes sensés suivre pour atteindre le caravansérail de Sultananhi, où nous ferons un vrai repos, et de l’autre un panneau indiquant la direction du lac de sel. Sur la carte, il semble que nous puissions atteindre une mine de sel à l’orée du lac.
Nous décidons de faire un petit crochet pour tenter d’atteindre cette fameuse étendue de sel. Mais sur la route, nous croisons un camion rempli de sel. Son conducteur nous arrête en nous disant qu’il y a rien au bout de cette route, et semble tenter de nous faire comprendre qu’il n’y a rien à voir, et que nous ferions bien mieux de faire demi-tour.
Résignés, fatigués par la chaleur et le soleil de plomb, nous faisons demi-tour. Le paysage devient de plus en plus désertique, nous évoluons maintenant sous un soleil écrasant avec pas une pointe d’ombre à des kilomètres à la ronde. La route est plate, droite et semble continuer encore et encore. Nous avons faim, soif, mais craignons de nous arrêter sous un tel soleil. Nous finissons par trouver une sorte d’abribus pour boire et manger un morceau.
Après 110km, nous atteignons le village de Golyazi, le seul avant un moment. Il est de nouveau temps de trouver un endroit où planter notre tente quelque part dans le village, en espérant trouver un minimum d’ombre et de verdure. Nous tombons sur un motard parlant un peu l’italien et l’allemand qui nous dit qu’on devrait aller voir son chef qui est français. Toute la famille est là et il nous accueilleront avec plaisir.
Nous suivons ces indications et nous nous retrouvons vers une station d’essence hors service où se trouve une maison avec une ferme. Bientôt, une voiture débarque avec 4 personnes. C’est la famille qui parle français (au moins le père et la fille), qui tout de suite nous accueille très chaleureusement. Douche chaude et Cay pour commencer.
Puis il nous préparent un dîner avec le mouton de la ferme et les légumes du jardin. Ils nous expliquent que le village ici est à majorité kurde, et qu’ils sont eux même kurdes. La culture kurde dit que tous les invités sont comme la famille et seront accueillis comme tels tant qu’il reste sous leur toit.
Il y a le père, la mère, la grand-mere et la fille cadette. Ils ont peu habité en Allemagne, mais surtout presque 20 ans en France. On peut donc parler en Français et en Allemand avec eux !
Tout le monde se rassemble après le dîner pour le chai dehors, avec aussi des cousins du village. Au fur et à mesure de la soirée, nous apprenons l’histoire de la famille. Leur venue en France est en fait liée à un drame. Les parents avaient 3 filles et deux garçons, mais la fille aînée a été diagnostiquée d’une leucémie à l’adolescence. Après avoir tenté des traitements en Turquie puis en Allemagne, le père a demandé un visa pour la France car il y avait un nouveau traitement disponible là bas. Mais à peine 20 jours pour le départ prévu en France, la fille est morte de sa maladie. Après l’enterrement à Golyazi, La famille a ensuite décidé de tous émigrer en France pour essayer d’oublier le drame. Les autres enfants vivent encore en France, alors que la cadette Elif fait ses études de médecine en Turquie, et que les parents sont revenus récemment pour leur retraite.
Une fois la soirée terminée, Elif nous explique quelques traditions kurdes en nous faisons visiter la maison (les kurdes mangent en fait par terre sur une nappe, et dorment tous dans la même pièce sur un matelas-tapis bourré de coton). Elles nous montrent nos quartiers pour la nuit, des énormes sofas qui sont dans le salon.
Day 8 - Golyazi to Sultanhani
Le lendemain, ils nous ont bien précisés qu’ils nous cuisineront un bon petit-déjeuner. Et celui ci dépasse nos espérances les plus folles ! Au menu, plein de sortes de fromage, de la saucisse turque grillée, des légumes du jardin, 2 sortes de pain dont un fait maison, du miel, des œufs durs, de la confiture de rose, du yahourt fait maison, du tahin, et même du Nutella tout droit venu de France. La mère s’assure que je sois toujours resservie; au final, jamais je n’ai jamais mangé un petit déj aussi copieux et avec des saveurs si différentes !
Nous discutons encore un moment, nous apprenons que le père, Mulla a été un camionneur en Turquie, Allemagne puis France, et qu’il a notamment traversé l’Irak où il s’est fait emprisonné pour un simple accident.
Ensuite, ils nous proposent d’aller voir le Tuz golu en voiture, vers l’endroit où on s’est arrêtés hier et où on a renoncé. Nous arrivons devant l’usine qui récolte le sel, mais malgré les pour-parlers en turc, celui-ci refuse qu’on rentre pour voir le lac, l’usine est actuellement en travaux et fermée aux touristes. Tant pis, on aura tenté, on est de toute façon pas du bon côté du lac (le côté panoramique et touristique est plutôt que l’axe principal Aksaray-Ankara), et c’est la loi du voyage à vélo d’accepter de ne pas pouvoir tout voir !
On reprend finalement nos coups de pédales vers midi: on est à une soixante de kilomètres de Sultanhani, la ville où on a prévu de faire un jour de repos.
Ceux-ci sont vite avalés, on est sur la partie la plus plate de l’Anatolie, et on arrive à faire presque du 20 km/h. Sur la route, on aperçoit au loin un volcan. Il s’agit du Mont Ercinges, situé au Sud de Kayseri. Celui-ci m’obsède, et je m’envisage déjà de faire un détour pour peut être le grimper ou au moins l’admirer de plus près...
On arrive finalement à Sultanhani, où nous nous posons au camping pour 2 nuits; après 681km avalés en 8 jours, il temps de prendre un jour de repos.
Nous ne sommes plus qu’à 2 jours de vélo de la Cappadoce, on a donc déjà bien avancé vers l’Est !
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