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Photo du rédacteurAlice Martin

De Kayseri à Sivas - Un lac salé et les premières routes non bitumées

17 Septembre, jour 15 - d’Erciyes au lac de Tuzla Golu


Après un dernier regard sur le volcan avec cette longue Arête est qui se détache, la journée de vélo commence par une descente d’une quinzaine de km sur la ville de Kayseri.


La vue sur le volcan au petit matin


Je m’arrête dans la ville pour faire quelques courses, et notamment pour faire un stop à Décathlon, pour racheter une serviette qui sèche rapidement, ayant oublié la mienne chez un de mes hôtes.


Cela m’oblige à vraiment rentrer dans la ville, qui avec ses 1.4 millions d’habitants et ses énormes boulevards, n’est pas facilement circulable en vélo. Le Décat se situe dans un centre commercial aux allures futuristes, avec des ascenseurs qui ont l’air de sortir d’un film de science fiction. On sent la richesse qui se dégage du centre ville de cette ville industrielle.


Tant pis pour ce détour, j’avais qu’à pas être aussi tête en l’air et commencer à perdre certaines de mes affaires!

Mais tête en l’air, je le suis encore bien ce jour-là. A peine la serviette achetée, alors que je retourne vite vers mon vélo pour être sûre qu’on m’est rien volé, et que je fais ensuite une pause midi dans un square, je m’aperçois que je n’ai plus la dite serviette ! Tout ce détour pour ça...

Vite, je retourne à l’endroit où j’ai garé mon vélo, et là un conducteur de taxi me dit de venir le voir et me tend la serviette ! Heureusement que je peux compter sur l'honnêteté et la gentillesse des gens...


Ouf, je finis par sortir de la ville par les faubourgs nord-ouest. Mon objectif de l’après midi, camper vers un lac que j’ai repéré sur la carte et qui est sur un réseau de petites routes permettant d’atteindre en deux jours et demi la ville de Sivas, ma prochaine destination.

Je replonge dans la campagne, qui est un peu plus verte, agricole et cultivée que de l’autre côté de Kayseri, mais qui reste très sèche. Les pommiers déjà nombreux sur les routes que j’ai déjà empruntées se succèdent, et je ramasse pommes et beaux raisins noirs.


Les villages se succèdent, souvent un peu perchés, aux noms tous exotiques: Bugdayli, Akcatepe, Kizik, Gunesli, Saraycik, Doruklu...


Je fais une pause à Gunesli, où une bande d’hommes assez âgés m’interpelle sur la place du village pour me dire de m’asseoir avec eux. Ils m’offrent le café, qui encore une fois, n’est pas le traditionnel café turc, mais un simple Nescafé soluble, les traditions se perdent !


Comme d’habitude, la conversation est assez limitée, surtout qu’ils ont tous il me semble entre 60 et 70 ans et ne savent pas se servir de Google Translate. L’un d’eux me montre une maison avoisinante avec une porte massive, qui date de 1863 d’après l’inscription. Dans son explication en turc, je ne comprends que les mots "Argentine" et "Ataturc". Un autre me fait comprendre que son fils vit en France, en me montrant sur son téléphone le numéro français, et évoque la ville de Reims.


Je poursuis ma route, aidée par les indications de maps.me pour naviguer dans la jungle de petites routes et de villages et parvenir à rejoindre le lac assez isolé. Et l’itinéraire me fait passer par ma première route non bitumée de Turquie pendant quelques kilomètres: magnifique, et une piste finalement assez praticable en vélo !



Je finis par une brève montée puis une descente plongeante sur le lac, qui de loin me paraît être une étendue de sel. J’en ai la confirmation quand je m’approche. Et voilà, je l’aurais eu mon lac de sel !

Je fais les réserves d’eau avant d’emprunter une piste qui me mène vers un emplacement aux bords du lac un peu plus vert. Le troupeau de brebis est pas loin, et je passe devant un kangale possédant comme souvent un collier de pics autour du cou. Toujours un peu flippant, mais heureusement celui-ci ne bouge pas d’un poil à mon approche.


L’emplacement est parfait pour bivouaquer, avec un peu d’herbe pour planter en douceur ma tente.

Alors que je commence à vouloir installer mon campement, une voiture arrive: trois femmes et un homme en sortent, me saluant chaleureusement. Habitant à une vingtaine de km de là, ils viennent profiter du lac et faire des bains de boue, sensés soulager certains maux.

Pendant que mesdames font trempette, l’homme m’aide à planter ma tente.


Tuzla Golu, le lac de sel


Ils m’invitent ensuite à s’installer avec eux et m’offrent des snacks, remplissent un de mes ziplocs de prunes, et m’offrent un sachet remplis de ces pépites qu’on décortique avec les dents et que j’avais l’habitude de mastiquer à l’ecole primaire.

On arrive très peu à communiquer, je sais juste qu’ils habitent à Ozvatan, qu’il y a la mère, le père et les 2 filles. Mais encore une rencontre très chaleureuse, qui se finit par une invitation à venir dormir chez eux, que je suis obligée de décliner car j’ai déjà planté ma tente au bord de cet étrange lac !


Au moment de ranger mes affaires avant d’aller me coucher dans ma tente, je me rends compte de mon premier pépin de materiel: la couture de l’une de mes sacoches avant est en train de se défaire, laissant un trou sur le bas. Demain matin, ce sera opération rafistolage !


 

18 Septembre, jour 16 - de Tuzla Golu aux environs de Sarkisla


Le lendemain, mon porridge du petit déjeuner est particulièrement savoureux, assaisonné à la fois des fruits que j’ai récolté le long de la route et ceux offerts par mes compagnons de soirée de la veille.

Un week-end encore torride a été annoncé par la météo, et dès 7h30 du matin, je sens déjà que je suis en train de cuire, et sors casquette, lunettes de soleil, et crème solaire. Décidemment, le climat anatolien est extrême...


Avant de partir, je me décide à imiter les locaux et à faire moi aussi un bain de boue de pieds dans le lac salé.




En attendant que mes pieds sèchent, je continue ma lecture de "éloge de l’énergie vagabonde" de Sylvain Tesson, qui raconte un de ses voyages à vélo dans une partie de l’Asie Centrale, le Caucase et... l’Anatolie, où j’en suis de ma lecture actuellement.

Je trouve écho dans ses écrits:

Kilomètres avalés sur les plateaux de l'Anatolie. Le nom fait référence à l’immense profondeur asiatique de la Turquie composée d’un système de reliefs semi-arides et de steppes perchées culminant à une altitude moyenne de plus de mille mètres. Dans les herbes hautes, des sauterelles: les points d’exclamation des prairies. [...]

Au café, foule de moustachus, on me fait fête quand j’y fais halte. La plupart des hommes sirotent du thé. [...]

Rencontres chaleureuses, goût délicieux du thé, misère des conversations.


Après la partie plus verte et agricole des alentours de Kayseri, je retrouve un paysage plus sec et aride; chaque petit village construit autour de quelques arbres forme comme un oasis dans ces terres asséchées et désertiques.


Mais soudain, au détour d’un village, une rivière improbable apparaît, avec un joli pont en pierre. Et les 15km suivants sont ensuite plus verdoyants et ombragés par des arbres réguliers.



J’essaie de supporter au mieux cette chaleur toujours étouffante, je trouve mon réconfort dans les limonade et glaces qui abondent dans les petits markets des villages.

J’essaie de faire les pauses casse croûte dans ces squares caractéristiques qui contiennent jeux d’enfants et souvent quelques tables de pique nique ombragées. Ceux-ci - qui doivent avoir un nom particulier - sont présents dans presque chaque village, et on pourrait presque mesurer la richesse d’une ville à la qualité de ces squares, et sa grandeur par leur nombre.


Les fameux squares

Alors que l’après-midi est déjà entamé, je fais un point sur mon itinéraire: pour atteindre ma destination cible de villégiature pour la nuit, j’ai le choix entre la grande route ou de continuer par le réseau de petites routes secondaires qui serpente à l’orée de la nationale. Pour une fois, la fainéantise s’impose et j’opte pour la grande route qui me fait gagner presque 25km de trajet.


Au final, la grande route est peu fréquentée et c’est l’occasion de refaire une beauté à mon vélo dans l’une des nombreuses stations services qui borde la route: l’employé sort le karcher pour nettoyer mon vélo, puis l’ensemble du personnel se moque gentiment de mon accent quand je baragouine trois mots en turc, pour acheter un ayran, la boisson à base de lait et yahourt qui est un classique de la nourriture turque.


Pour mon bivouac de la nuit, je décide encore une fois de faire confiance à iOverlander, qui indique un emplacement de bivouac sur une route secondaire pas loin d’une bourgade appelée Sarkisla. Mais j’ai mal estimé les distances, et me voilà à faire une course poursuite contre le soleil couchant pour atteindre le lieu en question avant l’arrivée de la nuit... sur une route secondaire qui grimpe, grimpe !


Finalement, après 99km de vélo dans les pattes, je me pose avant le lieu indiqué, en suivant une piste bordée de champs. Parfait, sur l’un deux il y a un arbre que je peux facilement atteindre en vélo, et qui me cachera un peu des rares automobilistes qui empruntent la piste.

Je plante ma tente et fais la cuisine en vitesse, alors que la nuit s’installe.


Mon campement au petit matin le lendemain


Mais soudain, vers 21h, alors que je viens de rentrer dans ma tente, une voiture traverse le champ et s’arrête devant mon campement. Un père et ses deux enfants en sortent. La jeune fille utilise son téléphone pour me traduire les paroles de son père, qui veut me signaler de manière assez vindicative que je devrais pas camper là, c’est dangereux, il y a des ours, sangliers et chiens méchants qui se baladent dans les parages...

Je leur fait comprendre qu’il est trop tard pour défaire mon campement, et que je prends le risque. Ils s’en vont, le père me lançant un dernier regard désaprobateur, en me prenant sûrement pour une folle...


 

19 Septembre, jour 16 - de Sarkisla à Sivas


Suite à l’avertissement sur la faune locale, je passe une nuit très agitée. Je ne peux pas m’empêcher d’imaginer un ours ou un sanglier éventrer mes sacoches pour y chercher de la nourriture...

La peur au ventre, je confonds bêtement le bruit du vent sur ma tente avec le lechement de babines d’un animal. Mais au petit matin, en sortant de la tente, rien n’a bougé. La famille d’hier soir, en voulant essayer de me proteger, n’a fait finalement que troubler mon sommeil.


Bref, vivement Sivas, l’hôtel et le jour du repos pour me remettre de ces émotions !


Mon itinéraire de la matinée me reprendre la grande route pendant une quinzaine de km avant de bifurquer sur une route secondaire qui devrait me mener jusqu’à Sivas.

Je m’arrête au niveau du village qui marque la bifurcation, Hanli.

Celui-ci est d’une ruralité encore inégalée, les chemins du village sont en terre, les poules traînent partout, les maisons sont très sommaires. Deux petites filles sur le chemin de l’école avec des cartables Hello Kitty me saluent.


En regardant de plus près mon itinéraire, je me rends compte que c’est cependant le seul village avant Sivas, les autres points de passage semblant plutôt être des lieux-dit. Je cherche alors le market du coin, afin de compléter mon pique nique du midi avec quelques gâteaux ou barres de céréales. Mais je suis vite stoppée par des chiens un peu agressifs, avant qu’une femme sorte de chez elle, et me fraie un passage en rappelant les chiens à l’ordre à l’aide d’un bâton.

Le market du coin est en fait un "bakkal", ce qui veut dire dans la hiérarchie des supermarchés turques qu’il s’agit d’une épicerie la plus élémentaire qui soit. Mais l’épicier me fait signe de venir, et m’offre tout de suite un café, que j’accepte avec plaisir après ma mauvaise nuit. Il s’essaie à l’allemand en me lançant un "guten morgen", mais déchante vite quand il comprend que je suis française et ne parle pas un mot d’allemand.

Pendant que l’eau bouille, comme si le silence était trop gênant, il continue quand même la conversation en turc, et je lance des "evet" (oui) ou "hayir" (non) un peu au pif.

Pas assez de réseau dans ce bled pour utiliser Google translate.

Il y a un mot turc que je commence à repérer car on m'a posé la question plusieurs fois ces derniers jours. Yalniz?: Seule?

Pour tout le monde, ça paraît complètement incongru qu’une femme (qui plus est (faussement) mariée) voyage seule en vélo.

Son épicerie semble lui faire aussi office de salon; le canapé semble sorti d’un autre siècle, mais la télé est assez moderne. Les poules rentrent et sortent du magasin un peu comme elles veulent. Il m’offre une cigarette (les turcs fument beaucoup), que je décline.

Au moment de payer mes gâteaux et barres, il me rend la monnaie en sortant de l’argent d’une de ses poches, soigneusement rangé dans un de ces mouchoirs en tissu qu’avaient nos grands pères; il y a un pli pour les coupures de 100 lires, un pour les plus petits billets.

Alors que je pars, j’essaie de lui faire comprendre que je prends une petite route qui va à Sivas et nomme le prochain hameau sur la route (Kayadibi) mais celui-ci me dit non non, et me montre la direction de la grande route.



Pour ne pas le contrarier, je suis sa direction et essaie ensuite de me repérer dans l’enchevêtrement de ruelles du village pour retrouver la bonne direction. J’entends au loin un chant murmuré par des voies enfantines: il semble que l’école commence par des chants religieux...

Mais il semble que tout le village m’a repéré, et chaque habitant m’interpelle pour me rediriger vers la grande route ! Tant pis, je renonce, ayant repéré sur ma carte que le hameau suivant pouvait se rejoindre un peu plus loin.


Ouf, me voilà de nouveau sur la bonne route !


Le prochain hameau, Kayadibi, ressemble à Hanli dans sa ruralité, mais en encore plus petit. Comme au premier village, à côté des maisons sommaires, des ruines en terre: peut-etre les vestiges d’anciens caravansérail ?

Des hommes dans la rue me saluent. Cela fait plusieurs jours, à mesure que je progresse vers l’Est, que j’observe des mœurs de plus en plus "traditionalistes". Les femmes portent tous le voile et sont souvent seulement sur le pas des maisons, alors que dans la rue et surtout dans les salons de thé, il n’y a que des hommes.



La route qui sort de Kayadibi se transforme en piste de terre que je suis encore pendant quelques kilomètres avant de rejoindre une route bitumée.

La route plonge ensuite complètement dans une steppe anatolienne sauvage et de toute beauté.

Les lieux-dit que j’avais repéré sont en fait simplement des îlots un peu plus verts, sans habitations mais avec des hommes qui travaillent aux champs et parfois un peu de bétail.




Très peu de voitures sur la route mais un peu avant midi, je vois au loin un cavalier. Waouh, on est en plein dans le cliché

du berger anatolien circulant à cheval !


Celui-ci, un jeune homme assez costaud, me fais signe de m’arrêter. Il me fait comprendre qu’il veut qu’on prenne des photos ensemble, et me fait même essayer son cheval.

Au passage, il flirte avec moi et je n’ose m’en aller car il a un ton bien autoritaire et un bâton de berger un peu menaçant, mais dès qu’il repère ma fausse alliance, il se calme. Encore sauvée par la sacro-sainte institution du mariage !



Après un dernier col qui monte vers 1600m, il me reste qu’à me laisser porter pendant une quinzaine de km dans une route descendante pour atteindre Sivas.



Après déjà 1333 km pédalés en Turquie, un jour de repos s’impose dans cette ville foisonnante, où se mêlent de multiples ethnies (les "merhaba" et les "salamaleikoum" se mélangent dans la rue), et possédant un patrimoine culturel digne d’intérêt (caravanserail, maisons de style ottomans).



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